08.05.2015, 00:01 - Canton de Neuchâtel Actualiser
Actualisé le 08.05.15, 01:39

Une trentaine de Neuchâtelois dans l'attente d'un don d'organe

En 2014, neuf personnes domiciliées dans le canton de Neuchâtel ont pu être transplantées. Actuellement, 27 Neuchâtelois sont toujours dans l'attente d'une greffe. KEYSTONE

http://www.arcinfo.ch/multimedia/images/img_traitees/2015/05/data_art_9099216_vignette147.jpg

La pénurie de greffons frappe la Suisse et le canton.

"J'ai souvent une pensée pour la personne qui a fait le choix de donner ses organes avant de mourir, et qui m'a ainsi permis de continuer à vivre normalement."

Il y a douze ans, le Neuchâtelois Willy Brossard, de Marin, a pu être transplanté d'un rein, après deux ans d'attente. "Mes fonctions rénales étaient sérieusement réduites. Durant deux ans, toutes les nuits, je devais purifier mon sang. C'était lourd: je travaillais la journée et je me faisais dialyser la nuit."

Aujourd'hui retraité, Willy Brossard n'hésite pas à dire que son nouvel organe lui a offert une seconde jeunesse: "Je vis parfaitement normalement depuis l'opération. Je fais beaucoup de sport et dernièrement, j'ai même effectué un trekking dans la cordillère des Andes! Jamais je n'aurais pu voyager ainsi sans cette greffe."

1370 patients en attente

Mais ce Marinois, président de l'Association neuchâteloise des dialysés et des transplantés, est particulièrement inquiet pour l'avenir. "Chaque année, le nombre de personnes dans l'attente d'un organe en Suisse augmente, et les délais se prolongent. Des vies sont en jeu."

En effet la Suisse connaît un taux de transplantation particulièrement bas. Elle se situe en avant-dernière position au niveau européen, avec treize donneurs par million d'habitants, contre 22 en Autriche, 24 en France ou 35 en Espagne, pays qui ont adopté le principe du consentement présumé.

Pourtant, ce principe consistant à faire de chaque citoyen un donneur potentiel, sauf avis contraire explicite, vient d'être balayé par les parlementaires fédéraux, qui ont préféré privilégier la liberté individuelle pour des raisons éthiques (notre édition du 6 mars).

Ce refus choque et interpelle Willy Brossard et les membres de son association. "La Suisse stagne depuis dix ans en matière de dons d'organes. La voie choisie par les parlementaires fédéraux, qui est celle de l'information à la population, est appliquée depuis 2007. Mais elle n'a pas porté ses fruits!" , regrette le président. "Aujourd'hui, seule une minorité de la population possède une carte de donneur."

Refus fréquent de la famille

En Suisse l'an dernier, 504 personnes ont bénéficié d'une greffe, alors que 1370 patients étaient toujours sur liste d'attente. A l'échelle cantonale, neuf Neuchâtelois ont été transplantés dans l'un des six centres du pays (Genève, Lausanne, Berne, Zurich, Saint-Gall ou Bâle). A l'heure actuelle, 27 personnes domiciliées dans le canton espèrent toujours une greffe. Les organes les plus demandés sont les reins, le foie, les poumons et le coeur.

Infirmière au service des soins intensifs d'Hôpital neuchâtelois, Marie-Pierre Chambet coordonne les dons d'organes pour l'établissement cantonal. C'est elle qui a notamment la lourde tâche de s'approcher des familles lors d'un décès, et d'évoquer la possibilité du don d'organes. "Lorsqu'on parle du don, c'est qu'il y a déjà des signes de mort cérébrale. Une fois la personne décédée, nous pouvons maintenir ses organes en vie en vue d'une transplantation" , explique la coordinatrice.

Son problème: dans 80% des cas, le défunt ne possédait pas de carte de donneur et la question du don d'organes n'avait jamais été évoquée au sein de la famille. "Pris dans le deuil, les proches ne savent pas quoi faire. Et puisqu'ils ne connaissent pas la volonté du défunt, ils renoncent au don, dans plus de la moitié des cas."

Pour Marie-Pierre Chambet, cette triste réalité est la preuve que les différentes campagnes d'information et de sensibilisation portées par la Confédération, ou par le canton comme en 2011, ne sont pas suffisantes.

"Le plan d'action lancé par la Confédération en 2013 est basé sur une meilleure information à la population et une meilleure formation du personnel de santé. L'objectif est de passer à vingt donneurs par million d'habitants. C'est louable. Malheureusement, en matière d'information au public, je n'ai rien vu de nouveau."

C'est pourquoi l'Association neuchâteloise des dialysés et des transplantés (l'Anedit), qui compte une septantaine de membres, s'invite régulièrement auprès du public afin d'encourager les gens à prendre position, à parler du don d'organes autour d'eux et à signifier leur choix sur une carte de donneur.

Présents à Festi'neuch

"Pour la deuxième année consécutive, nous tiendrons un stand à Festi'neuch, où des personnes transplantées ou en attente d'une greffe, ainsi que des représentants des hôpitaux, répondront aux questions du public" , annonce Willy Brossard. "L'an dernier, nous y avions distribué 1500 cartes de donneurs."

Mais le président ne cache pas les difficultés du bénévolat: "Notre association s'est fait éconduire à la limite de la politesse par un grand centre commercial. Et une manifestation sportive populaire nous demandait 5000 francs pour faire de l'information..." Le combat pour le don d'organes n'est pas de tout repos.

NEUCHATELOIS POUR LE CONSENTEMENT PRESUME

Alors que deux tiers des parlementaires fédéraux ont rejeté le principe du consentement présumé en matière de don d'organes, les élus neuchâtelois à Berne y étaient très majoritairement favorables. Didier Berberat, Raphaël Comte, Francine John-Calame, Jacques-André Maire et Sylvie Perrinjaquet ont soutenu la solution dite "espagnole". Seul Raymond Clottu s'y est opposé. Alors qu'il était encore conseiller national, Laurent Favre, actuel conseiller d'Etat, avait d'ailleurs déposé une motion dans ce sens. Il regrettait que la révision de la loi fédérale sur la transplantation ne contienne "aucune mesure visant à favoriser le don d'organes. Vu la gravité de la situation, un changement de système s'impose."

RAPPEL DES FAITS

La Suisse compte deux fois moins de donneurs d'organes que la France, l'Italie ou l'Autriche. Une cinquantaine de patients décèdent chaque année faute d'avoir été transplantés. Les parlementaires fédéraux viennent pourtant d'enterrer la proposition de faire de chaque citoyen un donneur présumé. Le prélèvement d'organes continuera de se faire sur la base d'un souhait clair du donneur. Une déception pour l'association qui encadre les Neuchâtelois en attente d'une greffe.